En janvier 1923, le "Bulletin Paroissial de Chalabre", édité mensuellement par le conseil paroissial du Kercorb sous la responsabilité de l'abbé Pierre Salomon, curé doyen de Chalabre, publiait le compte-rendu d'une cérémonie qui s'était déroulée quelques semaines auparavant en l'église Saint-Pierre. Le voici reproduit ci-dessous, tel qu'il avait paru voilà exactement 90 ans.
Nous offrons à tous nos abonnés et lecteurs, nos voeux de bonne année, et demandons pour eux et pour leurs familles l'abondance des biens spirituels, comme la multiplication des avantages temporels.
Le dimanche 26 novembre dernier eut lieu dans notre église de Saint-Pierre l'inauguration solennelle du monument destiné à perpétuer le souvenir des soldats de Chalabre morts pour la France.
Il est placé dans la chapelle faisant face à la principale porte d'entrée. C'est l'oeuvre de Monsieur Paul Silvestre, originaire de Puivert, grand prix de Rome, résidant à Paris. Elle a été exécutée avec des soins particuliers, le sculpteur travaillant pour la contrée qui l'a vu naître, dans laquelle s'est écoulée son enfance.
C'est un bloc de granit surmonté d'une croix. Hauteur cinq mètres, largeur trois mètres quarante centimètres. Trois colonnes portent en lettres d'or soixante-treize noms, au-dessus desquels est couché un soldat. Sur le côté une magnifique statue de la victoire tient de la main droite une couronne, pose la gauche sur la poitrine du héros.
Après la messe de 10 heures, procession et absoute au cimetière, discours dans lequel notre compatriote, le colonel de Brignac, exprime en termes concis les plus nobles pensées au double point de vue patriotique et religieux.
A 3 h. chant des vêpres en faux-bourdons. Après le Magnificat, le Père Hilaire, qui a prêché la mission, monte en chaire, prononce un éloquent discours, rappelant les maux de la guerre, la bravoure de nos bataillons, indiquant les moyens d'éloigner le retour de pareilles calamités, la nécessité de prier pour ceux qui nous ont procuré la victoire et la paix.
Monsieur le Curé, précédé des orphelins de la guerre, se dirige processionnellement vers le fond de l'église. En ce moment retentit à la tribune, entonné par la Chorale le chant impressionnant : Heureux ceux qui sont morts. Paroles de Charles Péguy, musique de H. Février.
Le P. Hilaire lit ensuite lentement du haut de la chaire la liste des morts. Le silence, l'illumination des lustres, des autels, les murs tapissés de verdure, d'oriflammes et de drapeaux, les enfants s'avançant après la bénédiction du monument, et déposant sur le socle des couronnes de fleurs, tout cela fait couler les pleurs et provoque les gémissements de l'assistance. Au retour de la procession, la musique, Monsieur Arnou battant la mesure, joue la Marche funèbre de Chopin. On entend aussi le Pie Jesu, de Th. Dubois, le Tantum ergo, de Buëllmann, à quatre voix, dirigé par Monsieur Rouzaud. Le choix et l'exécution de ces divers morceaux ont été remarqués.
La cérémonie se termina par la bénédiction du Très Saint Sacrement. Les fidèles, que notre basilique pouvait à peine contenir, se retirent vivement émus, pénétrés de reconnaissance et d'admiration pour ceux qui ont organisé cette touchante manifestation.
Celle-ci a été relevée par la présence de Messieurs Combes, chanoine titulaire à Carcassonne ; Touja, curé de Puivert ; Graulle, curé de Sainte-Colombe-sur-l'Hers ; Rives, curé de Rivel ; Tichadou, vicaire à Saint-Just, Narbonne, qui a rempli l'office de cérémoniaire.
Nous omettons pour ne pas insérer un trop long article, des détails qui auraient paru intéressants.